La tortue avisée

Tout le monde sait que les tortues sont extrêmement avisées. Un jour, l’une d’entre elles rassembla tous les animaux pour les avertir :
« Une dangereuse plante pousse dans notre forêt. Nous devons la supprimer, sinon c’est elle qui nous supprimera !  »

tortue

La tortue conduisit les animaux à la lisière de la forêt où s’étendaient les champs de chanvre et dit : « Voici la plante en question !  »

Les animaux l’examinèrent et goûtèrent à ses petites feuilles. L’antilope fit la grimace : « C’est amer. Je ne vois pas pourquoi je devrais la brouter.  »

Le flamant hochait la tête : « Moi non plus. Je ne peux rien faire du chanvre, puisque je vis la plupart du temps dans l’eau. »

La carpe ne dit rien, mais s’en alla d’un coup de nageoire.

Ainsi, le chanvre poussa en toute tranquillité.

Un jour, les hommes vinrent, l’arrachèrent et en tressèrent des cordes. Ils les prirent pour bander leurs arcs. Ensuite, ils taillèrent des flèches dans l’écorce de palmier et allèrent chasser les oiseaux.

Arrivés au bord de l’eau, ils lancèrent leurs flèches contre une bande de flamants. Les oiseaux s’envolèrent, mais l’un d’entre eux resta sur la rive, mortellement blessé.

La tortue s’approcha de lui : « Si tu m’avais obéi lorsque je t’avais demandé de supprimer la plante de la forêt, tu volerais aujourd’hui tranquillement dans les cieux !  »

Le flamant supplia : « Aie, tortue ! aide-moi  »

« Il est trop tard.  »

Un homme vint, prit le flamant et l’emporta chez lui.

Ensuite, les hommes prirent une canne et y attachèrent une corde avec un crochet au bout. Ils plongèrent l’hameçon dans l’eau et en très peu de temps, une carpe s’agita au bout de la corde.

La tortue s’approcha d’elle à la nage : « Si tu m’avais écoutée, tu nagerais aujourd’hui en toute tranquillité !  »

« Aïe, tortue ! aide-moi !  » supplia la carpe.

« Il est trop tard « , répondit la tortue.

Un homme tira sur la canne et sortit la carpe de l’eau.

Ensuite, les hommes prirent les cordes et en firent des noeuds coulants qu’ils disposèrent sur un sentier. L’antilope s’y laissa prendre.

La tortue s’approcha d’elle : « Si tu m’avais écoutée, tu courrais aujourd’hui tranquillement dans la clairière !  »

« Aie, tortue ! aide-moi !  » supplia l’antilope.

La tortue rongea la corde et libéra l’antilope. Depuis ce jour, elles furent amies. Et pourtant, l’antilope était aussi idiote que la tortue était rusée. Certes, elle admirait son amie pour son intelligence mais se disait dans son for intérieur : « Son intelligence ne lui sert à rien, puis qu’elle est lente. Elle ne peut attraper personne, pas plus qu’elle ne peut fuir ses ennemis.  »

Un jour, la tortue défia l’antilope : « Tu me crois lente, mais je peux te battre à la course quand cela me plaît.  »

« Je voudrais voir cela !  » riait l’antilope.

« Alors regarde bien. Nous allons courir jusqu’au sommet de cette colline et on verra bien laquelle d’entre nous y arrivera la première.  »

Juste avant la course, la tortue mordit la queue de l’antilope et s’y suspendit.

L’antilope courut jusqu’au sommet de la colline et se retourna pour voir peiner la tortue. Celle-ci lâcha la queue de l’antilope et dit : « Je suis là. je t’attendais.  »

L’antilope avait beau se creuser la tête, elle ne comprit pas comment la tortue s’y était prise pour arriver avant elle.

En ce temps-là, le roi des animaux, le lion, convia tous ses sujets à un somptueux festin. Le léopard, le singe, l’éléphant vinrent ainsi que l’antilope et la tortue. Le repas fut magnifique, il y avait de la nourriture en abondance pour tout le monde. L’éléphant mangea des bananes, le crocodile du poisson. Par malchance, la tortue et l’antilope, qui avaient déjà l’eau à la bouche, avaient oublié leurs assiettes à la maison. Le lion avait bien demandé aux animaux d’apporter leurs assiettes, mais la stupide antilope n’y avait pas pensé. La tortue, occupée à inventer ses mauvais tours, avait bel et bien oublié, elle aussi, son couvert.

Elle se tourna donc vers l’antilope : « Cours vite à la maison chercher deux assiettes pour que nous puissions manger !  »

Mais l’antilope n’avait pas envie : « Pourquoi moi ? Ne cours-tu pas plus vite que moi ?  »

« Certes, mais tu habites plus près.  »

L’antilope s’en alla chercher deux assiettes, mais auparavant, elle cria à la tortue : « Ne mangez pas tout !  »

La tortue se mit aussitôt en quête d’une assiette. Elle aperçut un minuscule roitelet qui portait une énorme assiette.
« A quoi te sert une aussi grande assiette ?  » lui demanda la tortue. « Deux graines suffisent pour te remplir l’estomac.  »

« Tu as bien raison « , acquiesça le roitelet. « D’ailleurs, j’ai fini de manger.  »

« Dans ce cas, pourrais-tu me prêter ton assiette ? J’ai oublié la mienne à la maison « , demanda la tortue.

Le roitelet ne se fit pas prier : « Fais seulement attention à ne pas la casser.  »

La tortue remplit son assiette et mangea à se faire éclater le ventre.

Après qu’elle eut rendu l’assiette au roitelet, l’antilope revint. Elle se mit aussitôt à se lamenter : « Vous ne m’avez rien laissé !  »

Et, en effet, seuls des os et des peaux de bananes témoignaient du magnifique festin.

« Tu n’es pas la seule !  » riposta la tortue. « je n’ai pas mangé une seule bouchée en attendant mon assiette. Tu en as mis du temps !  »

Le lion interrompit les lamentations de la tortue et de l’antilope qui se tenaient là, toutes penaudes, l’assiette vide à la main : « Vous avez tous bien mangé et vous avez pris des forces. Je vous donnerai l’occasion d’en faire une brillante démonstration. Nous allons tous lutter les uns avec les autres. Les vaincus deviendront les serviteurs des vainqueurs et le plus fort d’entre nous sera le roi. L’éléphant arbitrera les combats.  »

L’idée du lion était bonne. Il avait beau être très courageux et puissant, l’éléphant était tout de même plus fort que lui. En tant qu’arbitre, cependant, il ne pouvait pas prendre part à la compétition.
Le lion ouvrit les hostilités en rugissant et bondit sur l’antilope. Celle-ci s’écarta et s’enfuit à toutes jambes. Voyant qu’il n’arriverait pas à l’attraper, le lion se tourna contre la tortue qui se tenait juste à côté. Malheureusement, il ne pouvait rien contre sa dure carapace. Il essaya donc de la retourner sur le dos avec sa patte, mais la tortue le mordit et rentra la tête dans sa carapace, tenant la patte du lion bien serrée dans ses mâchoires. Le lion rugit de douleur, mais la tortue tint bon. L’éléphant dut la déclarer vainqueur de la compétition.

Le lion s’en alla, vexé et humilié. La tortue devint la reine des animaux. Lorsque l’antilope revint sur ses pas, la tortue lui dit : « Je t’ai sauvé la vie une seconde fois. Si je n’avais pas tenu la patte du lion, il aurait bien fini par t’attraper.  »

L’antilope la remercia avec effusion. La tortue ne resta pas longtemps au pouvoir. Les animaux oublièrent rapidement qu’elle avait vaincu le lion et celui-ci récupéra petit à petit tout son prestige.

Au demeurant, la tortue se moquait éperdument de sa nouvelle fonction, elle était trop intelligente pour une reine !

Conte africain

Que le meilleur vous accompagne – Mabelle

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